Simone Berriau : « Je lisais manuscrits sur manuscrits, un peu inquiète de ne rien trouver d’évident. Un jour, je suis tombée sur l’adaptation qu’avait faite un certain M. Verly d’une pièce écrite par une italienne dont je ne savais rien, Mme Bonacci : c’était L’heure Eblouissante, pour laquelle j’ai eu un coup de foudre. […] La générale nous valut un triomphe, je n’avais pas connu de salle aussi enthousiaste ! […] Je devais être durement rappelé à la raison quelques jours après : Suzanne Flon tomba brusquement aphone, le médecin lui prescrivit un repos d’au moins huit jours. C’était la veille du jour de relâche, nous avions trente-six heures pour trouver une solution si nous ne voulions pas arrêter la pièce et rembourser les places louées. Je me creusais la tête et eux une idée qui paraissait insensée au premier abord : les deux personnages féminins n’apparaissant jamais simultanément, je demandai à Jeanne Moreau d’apprendre le rôle de Suzanne Flon et de se dédoubler en scène. […] Jeanne Moreau parvint à assimiler ce second personnage et l’on sut dans tout Paris qu’elle allait remplacer sa camarade au pied levé. […] Jeanne remporta un triomphe dans son double rôle, qui lui valut la couverture de Paris-Match, cette « une » si difficile à conquérir à l’époque : une prodigieuse carrière commençait ».
Source : autobiographie S. Berriau